Arbitre

Montréal

Lorsque Sonia Denoncourt foule un terrain, elle ne se contente pas de respecter les règles du jeu; elle redéfinit le sport. Reconnue mondialement pour son parcours exceptionnel, Sonia a été la première femme à briser les plafonds de verre dans le domaine de l’arbitrage, que ce soit à la CONCACAF ou à la FIFA. Intronisée au Panthéon des sports du Québec en 2021 et récipiendaire du prix Reconnaissance du Gala Femmes d’influence d’Égale Action en 2023, elle a ouvert la voie à de nombreuses femmes dans le sport.

À travers quarante années de carrière, cette femme d’action a su faire tomber les barrières au Canada et à l’international, offrant ainsi à plusieurs générations la possibilité de s’imposer dans un univers longtemps dominé par les hommes.

 

Qu’est-ce qui a changé le plus dans l’encadrement du sport au féminin au cours des quarante dernières années ?

« En 1994, quand j’ai été la première femme à recevoir une certification d’arbitre internationale de la FIFA, j’étais perçue comme une extraterrestre. Aujourd’hui, il y a plus d’un millier de femmes qui jouent ce rôle. Malgré cette montée exponentielle, il reste encore des déséquilibres importants. Dans les différents postes que j’ai eus, chaque jour, j’ai mené des combats pour offrir aux femmes les moyens d’être reconnues pour leur talent et leur performance pure et simple. Ainsi, encore aujourd’hui, les femmes doivent cogner aux portes du milieu sportif avec acharnement et détermination, si elles attendent que celles-ci s’ouvrent pour elles, il ne se passera rien. »

 

Est-ce que les abus sont toujours aussi présents dans le sport en 2024 ?

« Dans plusieurs sports, il faut être conscient·es qu’il y a encore beaucoup d’abus normalisés surtout à l’endroit des arbitres. L’œil s’est peut-être habitué à voir des femmes arbitrer au soccer, mais il y a de la violence ancrée. On pourrait assurément s’inspirer d’autres sports comme le rugby où c’est tolérance zéro. Avec les années, certains outils ont été développés et certaines règles changées pour le mieux. Toutefois, les sanctions sont souvent minimes. Pour changer les choses, il faudrait réussir à modifier sincèrement la culture de certains sports. »

 

Au niveau de l’arbitrage, que pensez-vous de la relève féminine actuelle ?

« Nous avons augmenté beaucoup le nombre d’arbitres féminins au cours des dernières années et je suis fière de ce progrès. Je vois des arbitres incroyables sur le terrain en ce moment. Par contre, il y a un piège. La dernière chose que nous souhaitons, c’est de ruiner des carrières ou de voir des arbitres au potentiel exceptionnel abandonner parce qu’elles ont été propulsées au sommet sans avoir eu la préparation adéquate. Le milieu doit donc s’assurer de bien soutenir cette relève qui est sur la voie rapide.»

Quels conseils donneriez-vous à une femme qui aimerait avoir une carrière internationale en arbitrage ?

« Il faut arbitrer chaque match comme si c’était le dernier en donnant toujours son 100 %. L’arbitrage au soccer, c’est très exigeant physiquement et mentalement. Aujourd’hui, les arbitres qui atteignent un certain niveau ont le privilège d’avoir un·e évaluateur·trice qui peut leur donner de la rétroaction constructive et complète après chaque match. Il faut être à l’écoute de ce qu’elles peuvent améliorer, prendre tous les outils qui leur sont offerts et profiter de ce soutien. »

 

Que vous rappelez-vous du dernier match que vous avez arbitré ?

« Quand tu choisis le rôle d’arbitre au soccer, ton but est presque d’être invisible. S’il n’y a pas de remous dans ta direction durant un match, c’est souvent signe que tu as effectué un travail impeccable. J’ai arbitré mon dernier match en 2004 comme tous les autres, en donnant mon 100 %. Je ne suis jamais allée dans cette profession pour les fleurs et la reconnaissance alors j’ai terminé cela sobrement, en ayant le sentiment d’avoir bien fait les choses et pour les bonnes raisons. »

Avec une telle détermination, Sonia Denoncourt continue d’inspirer et de façonner l’avenir du sport féminin, un match à la fois.