Représenter adéquatement les femmes tant à l’oral qu’à l’écrit demeure un défi de taille dans l’industrie du sport d’aujourd’hui. La majorité des organisations et fédérations sportives québécoises ont le même enjeu dans la représentation, mais aussi dans l’appellation des principaux rôles entourant la pratique sportive. Alors, quel est le terme équitable pour nommer un entraîneur au féminin ? Découvrez pourquoi Égale Action, appuyée du Lab PROFEMS, choisit de privilégier le terme entraineure.
La féminisation des titres professionnels
L’Office québécois de la langue française (OQLF) recommande l’écriture non sexiste et ses variantes, soit la féminisation, puis l’écriture épicène, inclusive et non binaire. Ces procédés visent à évoquer l’ensemble de la population, sans porter préjudice à tout groupe majoritaire ou minoritaire de personnes. Ils transforment nos écrits, notre langue parlée, mais aussi notre façon de penser. Cette évolution nous pousse à songer à la représentation équitable des femmes au sein de la société, plus particulièrement sur le marché du travail et dans le monde du sport.
À cet égard, la majorité des métiers et des professions étaient autrefois réservés aux hommes; seuls les titres masculins d’emploi existaient. Le sport était aussi un domaine réservé à la gent masculine. Depuis, les choses ont changé sous l’impulsion des nombreuses femmes qui se sont battues pour accéder à ce milieu et y rayonner. Ainsi, pour reconnaître la place des femmes, la langue française a dû créer de nouveaux termes féminins coordonnés aux mots masculins déjà existants, et le sport n’y échappe pas… heureusement ! Notons toutefois, qu’encore aujourd’hui, la féminisation des titres fait débat, particulièrement de l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, on voit paraitre des expressions comme: Le maire de Paris, Anne Hidalgo.
Une entraîneuse ou une entraineure?
Comment appeler cette personne experte « d’une discipline sportive, qui a pour fonction d’entraîner des athlètes ou des équipes d’athlètes et d’assurer la direction de [celles-ci et ceux-ci] pendant les compétitions sportives en vue d’atteindre des performances optimales » ? La formulation désignée dans les ouvrages de référence est une « entraîneuse ». Selon l’OQLF, cette appellation suit le modèle de formation du féminin des noms en -eur tirés de verbes. En ce sens, l’Office québécois de la langue française soutient que la forme « entraineure » ne doit pas être utilisée, comme elle ne respecte pas la précédente règle.
Toutefois, entraineuse désigne également « une jeune femme employée dans un bar, un établissement de nuit pour attirer les clients et les engager notamment à danser et à consommer », selon le Petit Robert. En raison de cette connotation, le Guide de rédaction non sexiste de la Direction de la condition féminine de l’Ontario recommande plutôt l’usage du mot « entraineure ». Toutefois, cette formulation n’est pas officiellement admise. Cela dit, nous pensons, comme le soulignent Zaccour, Dupuy et Lessard (2023), que « la « norme » unique n’existe pas; il y en a plusieurs. Le pouvoir de prendre des décisions sur l’état de la langue et sur les formes qu’elle peut prendre n’appartient pas qu’aux institutions comme l’Office québécois de la langue française ou l’Académie française[1] ».
Valoriser la place des femmes en utilisant les bons mots
Une forte résistance à utiliser la finale -euse existe déjà lorsque les professions sont de type intellectuel et se rapprochent du pouvoir. Pensons aux termes « chercheure », « professeure » et « ingénieure », plutôt que « chercheuse », « professeuse » et « ingénieuse ». Cependant, ce n’est qu’une minorité des noms de métiers en -eur qui ont une forme féminine officielle en -eure. Comme le cas du terme « entraineure », l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec a aussi opté pour le mot « arpenteure » plutôt qu’« arpenteuse ». Cette dernière formulation, désignant à la fois le métier et une sorte de chenille, est pourtant celle recommandée par l’OQLF.
L’évolution de la terminologie des noms de métier féminins est-elle un combat à mener ? Nous affirmons que oui, sans aucun doute. Les connotations négatives doivent être proscrites afin d’assurer l’équité des genres. Dans le monde du sport, l’utilisation des termes adéquats afin de désigner le rôle d’une femme est sans équivoque un pas de plus vers la hausse de la participation et de la valorisation féminines au Québec.
Le choix que nous faisons
Comme nous venons de le voir, il n’y a pas une seule façon d’aborder la féminisation des titres et il n’y a pas d’autorité unique en matière de langue, ce qui la rend vivante ! Zaccour, Dupuy et Lessard (2023) insistent sur ce point : « la féminisation du français est relativement nouvelle, et l’apparition de diverses formes est la conséquence normale de l’effervescence qui entoure cette évolution de la langue. La concurrence des stratégies est saine[2] ».
Suivant cette ligne de pensée, nous, Égale Action appuyée du Lab PROFEMS, avons pris la décision d’utiliser à l’écrit la forme entraineure et entraineures, qui permet de rendre compte visuellement du féminin, sans pour autant posséder un autre sens, évoqué plus haut. Pour désigner l’ensemble des personnes qui occupent des postes d’entraineur·es, nous utiliserons le point médian, afin de rendre compte de l’existence des hommes, des femmes et des personnes non binaires et ainsi éviter le piège du « masculin générique » qui, loin d’être neutre, réfère plutôt à l’idée que le masculin est la norme.
Cette position pourrait-elle évoluer dans l’avenir ? La réponse simple est oui. Car la langue évolue, et les usages également. C’est donc une histoire à suivre. !
[1] Dupuy, Alexandra, Michaël Lessard, et Suzanne Zaccour. Grammaire pour un français inclusif. Nouvelle édition revue et augmentée. Montréal: Éditions Somme toute, 2023. Print.
[2] Dupuy, Alexandra, Michaël Lessard, et Suzanne Zaccour. Grammaire pour un français inclusif. Nouvelle édition revue et augmentée. Montréal: Éditions Somme toute, 2023. Print.