Mixité ou séparation? Répondre à cette question par une règle universelle serait d’éviter de se soumettre à une réflexion rigoureuse selon les différents contextes de la pratique sportive et de l’activité physique. Le milieu, l’âge, les différents types de sports – avec ou sans collision – les occasions, les obstacles pour l’ensemble des filles et des femmes, sont tous des facteurs atténuants et à considérer pour une programmation gagnante.
Nous sommes ravi.e.s que cette question soit soulevée et souhaitons que les directions sportives et responsables des programmes d’activité physique se penchent sur cette question, afin d’offrir un service en fonction de chaque individu, incluant les filles et les femmes.
L’adolescence, une période charnière
Nous n’avons pas de réponse toute faite à la question de la séparation des garçons et des filles dès l’âge de 4 ans. Toutefois, il est clair qu’il existe de réels avantages à séparer les filles des garçons dans certains contextes sportifs et à certaines périodes de la vie des jeunes. La pratique d’activités physiques des filles décline plus rapidement que celle des garçons dès l’âge de 9 ans et de manière de plus en plus soutenue au fil de l’adolescence. Nous proposons de nous pencher sur cette période précise de la vie des filles puisqu’il nous semble nécessaire de chercher à contrer ce désengagement. Et si la mixité, parmi d’autres facteurs, y contribuait?
À la fin de l’adolescence, une fille sur trois aura abandonné le sport alors que les garçons abandonneront plutôt au rythme de un sur dix. Les barrières à la pratique d’activités physiques chez les filles, ou les raisons d’abandon, sont bien connues des spécialistes et il est grand temps que le monde du sport ajuste son offre de façon à en tenir compte.
Pourquoi offrir des activités «entre filles»?
À l’adolescence, et même parfois à la préadolescence, proposer des activités «entre filles» permet à ces dernières de se retrouver dans un contexte où elles seront plus à l’aise de bouger, à un moment bien spécial de leur vie où elles vivent de grandes transformations (corps, intérêts, importance du regard des autres, etc.). Un grand nombre de filles ont alors tendance à abandonner ou à participer sans plaisir, ce qui nuit à la progression de leurs habiletés, à leur sentiment de compétence et précipite leur abandon.
Pour éviter d’entrer dans ce cercle vicieux, il pourrait être approprié de leur offrir un lieu propice à la découverte et aux expériences sportives, exempt du regard des garçons, et sous l’encadrement bienveillant de modèles inspirants. Dans cet environnement «entre filles», elles auraient l’occasion de choisir les activités qu’elles ont le goût d’essayer et gagner en confiance et en habiletés. Ensuite, c’est vraiment une question d’intérêt: elles pourraient décider de persévérer en danse ou en cheerleading, mais aussi d’essayer le rugby ou l’escalade!
La clé: l’offre variée
Au-delà de la question de la mixité, il faut aussi s’attaquer à la question de l’offre. Que ce soit dans les milieux municipaux ou scolaires, elle doit être assez variée pour que tous et toutes y trouvent leur compte: ceux et celles qui aiment la compétition, ou encore qu’elle rebute, qui recherchent davantage l’aspect social, qui ne veulent pas se concentrer sur un seul sport, qui s’intéressent à de nouvelles activités ou bien à l’offre sportive traditionnelle.
Le genre n’est qu’une façon parmi d’autres de réunir les jeunes dans le cadre de certaines activités. L’âge, le niveau d’habileté et les intérêts sont autant d’autres manières de réunir les jeunes et c’est par la variété et la qualité des contextes de pratique offerts que nous permettrons aux jeunes, garçons, filles et jeunes non binaires, de s’épanouir pleinement.
Tous les ados dans le même panier?
Malgré que ce soit une barrière pour plusieurs filles, d’autres adolescentes aiment pratiquer les sports avec les garçons. Elles sont motivées par leur présence et apprécient, entre autres, le défi physique ou la compétitivité qu’ils peuvent apporter. Placer tout le monde dans le même panier et faire des groupes homogènes est certainement la pire façon de répondre aux besoins des jeunes en matière d’activité physique. Chaque contexte de pratique d’activités physiques et sportives, chaque groupe, chaque individu, possède ses réalités et ses barrières qui favorisent ou non la pratique sportive. C’est fort probablement pour cette raison que bien des jeunes filles, et peut-être tout autant de garçons, se sentent mis.es de côté par l’offre qui leur est proposée en matière d’activités physiques et sportives. Peut-être qu’une solution résiderait dans une offre accrue en multisports sans compétition?
En somme, est-ce que des filles peuvent trouver leur compte en jouant dans des équipes masculines ou mixtes? Oui, assurément. Est-ce que les données nous indiquent qu’elles sont nombreuses à persévérer dans le sport en se retrouvant dans cette situation? Non, pas actuellement. Notons que des équipes genrées, ce sont aussi des équipes inclusives qui permettent d’attirer dans le monde de l’activité physique ceux et celles qui ne s’y sentiraient pas les bienvenus autrement. Assurons-nous que chaque jeune trouve sa place et puisse bouger dans le plaisir. C’est une question de développement global sain, de santé préventive, de persévérance scolaire et de bien-être émotionnel de nos enfants.
Kim Dupré, directrice générale, Égale Action
Julie Meloche, directrice générale, Fillactive
Marilie Laferté, directrice générale, M361